Un texte de Louis Bonneville
Le nom de Jimi Hendrix se situe, pour nombres de mélomanes, au sommet de la liste des génies de l’histoire du rock. Position qui est tout à fait fondée, lorsqu’on considère toutes les facettes de son vaste talent. Une de ses contributions au rock des plus remarquables à mon sens, se retrouve dans la façon magistrale dont il a opéré le métissage de deux styles musicaux, soit le blues et le psychédélisme. Ce dernier étant un genre nébuleux composé entre autres de notions abstraites que, pour ma part, je mentalise comme suit : recherches sonores, mélodiquement et rythmiquement non conventionnelles, dont la perception auditive se sent transportée dans un état dimensionnel hallucinatoire, là où une distorsion de la conception des formes et de l’espace agit à de multiples vitesses de conscience extrêmement variables.
La très courte période de création, de celui dont le pseudonyme le plus fréquemment utilisé était Blue Wild Angel, s’avère immense quand on explore la tumultueuse discographie de l’artiste. L’ensemble de la création est clivé en deux sections soit l’avant et l’après 18 septembre 1970, soit le moment du décès de l’homme. La longue période posthume est un large amalgame de tentatives diverses sur albums pour profiter au maximum de la manne financière demeurée béante. Ces multiples activités financières firent trop souvent prédominance sur une direction artistique honnête que pouvait offrir le vaste matériel enregistré en spectacle ainsi que celui en studio souvent encore embryonnaire. Heureusement en 1995 la famille Hendrix reprit les cordons de la bourse du legs monumental, incluant tout ce qui a trait aux décisions artistiques de l’œuvre. Cette compagnie nommée Experience Hendrix, L.L.C. dirigé par Janie la demi-sœur du guitariste, pris la lucide décision d’engager à la réalisation celui qui agissait comme ingénieur de son lors du vivant d’Hendrix, soit Eddie Kramer. C’est ainsi que le processus de revitalisation du catalogue prit une tournure plus qu’intéressante; soulignons le magnifique double album First Rays of the New Rising Sun qui se veut la version la plus achevée de ce que devait être le quatrième album studio de Jimi Hendrix.
Est-ce que la ville de Salina dans l’état du Kansas fait partie des endroits dont vous connaissez l’existence? En mars 2014, malgré moi, je découvris ce bled d’environ 50 000 habitants en m’y retrouvant immobilisé pendant deux jours. Lorsqu’on doit franchir, via le circuit routier, les 600 miles qui séparent la ville de Denver de celle de Kansas City, il se peut que ce genre d’endroit peu probable, mais possible, soit la halte d’une caravane en tournée de spectacles, et ce, pour éliminer du temps au compte-goutte entre deux représentations espacées. Dans ce type de ville américaine, disons-le, il peut devenir difficile, voire sérieusement utopique, de trouver une activité touristique constructive et passionnante. C’est ainsi que cette troupe, comptant une dizaine de ménestrels contemporains, se retrouva militairement alignée vers la sortie prête à fuir ce conteneur de transport. Au moment où la brèche donnant sur un stationnement de motel fut béante, les pseudo-gitans jusque là statufiés se dispersèrent telles des coquerelles à l’ouverture d’une porte d’armoires de cuisine. Pour ma part, je passai un après-midi entier à arpenter la ville d’est en ouest, idée de demeurer à distance de cet autobus.
Au cœur du centre-ville, je ne pouvais faire autrement que de reluquer les marquises commerciales à la recherche d’un magasin de disques. Rien à l’horizon. Ainsi j’ai dû me rabattre sur le marchand d’instruments de musiques, étant l’endroit le plus susceptible de me fournir des informations pour ainsi tenter de trouver un lieu où les microsillons 33 tours pourraient se vendre. C’est ainsi que j’appris que la ville ne possédait aucun endroit du genre. Mais on me spécifia qu’on retrouve dans le quartier industriel un fabricant de ce format musical et qu’il aurait obtenu entre autres le contrat de pressage des plus récentes réalisations de Jimi Hendrix. L’homme derrière le comptoir, qui malgré lui égrainait son temps, eut la gentillesse de me fournir les coordonnées pour me rendre dans ce secteur où je pourrais tenter de cogner à la porte de l’usine.
Sans hésiter, je me dirigeai enthousiasmé vers ce lieu. Une fois rendu à ce qui semblait être l’adresse qu’on m’avait indiquée, il me fut très difficile d’imaginer que l’éden de la fabrication Hendrixienne pouvait se trouver dans ce bâtiment de quartier déglingué. J’ai eu beau observer de tous les côtés l’édifice de brique beige des années 1960, rien en vue mis à part un léger accès visuel intérieur par un carreau de verre qui finalement me laissa croire que j’étais au bon endroit; j’aperçus quelques longs jeux de couleur accrochés au mur, ainsi qu’une affiche avec le logo Quality Record Pressings. Malgré quelques légers essais d’infiltrations, le lieu s’avéra malheureusement hermétique. C’est ainsi que je retournai à mon repère, tel un Tzigane retrouvant sa roulotte garée aux abords de l’autoroute.
Ce fait anecdotique quitta mon esprit jusqu’au mois de juillet 2014; moment ou un ami, tout comme moi mélomane et collectionneur, m’offrit l’un de ses items trouvés lors de son dernier pèlerinage d’achat musical outre frontière. Ainsi j’ai pu découvrir le plus massif des albums que j’ai tenus dans mes mains; soit un double long jeu de The Jimi Hendrix Experience intitulé Miami Pop Festival, captation d’un spectacle donné le 18 mai 1968. En extirpant de l’album une des 2 pochettes de plastique intérieures, je redécouvris ainsi le logo de l’entreprise Quality Record Pressings; à ne pas confondre avec le défunt label Canadian Quality Records Ltd. Ce magnifique pressage en vinyle 200 grammes est un tirage numéroté qui fut lancé le 5 novembre 2013.
Espérons qu'Eddie Kramer est loin d’avoir épuisé la voûte d’archives sonores du fabuleux musicien.
© 2015
Jimi Hendrix / Facebook — https://www.facebook.com/JimiHendrix/
Jimi Hendrix / Site web — https://jimihendrix.com/
Le 18 mai 1968, au Miami Pop Festival, FL.
Photo : Experience Hendrix, L.L.C.
Un lien vers Spotify pour l’écoute de l’album :