Un texte de Louis Bonneville
Ce groupe emblématique du surf music, issu de la côte ouest-américaine, connut un succès monstre dans le créneau rock instrumental au cours des années soixante. À cet égard, il devint le plus grand vendeur de disques de l’histoire de ce genre. Ces musiciens, à l’aurore de leur carrière, étaient probablement absolument lucides de leur immense popularité. Et, va savoir ! peut-être désiraient-ils appliquer à la lettre le vieux proverbe français : il faut battre le fer pendant qu’il est chaud... Serait-ce avec ce genre de visée à l’esprit que cette formation réussit à faire paraitre, dans la première décennie faste de son parcours, cette quantité vertigineuse d’albums ? On en compte 31 en studios, 7 en spectacles ainsi que 8 compilations.
À dire vrai, je ne me suis jamais aventuré dans l’écoute de l’ensemble de ces disques, d’autant plus qu’il m’arrive d’en trouver un certain nombre d’un intérêt moindre. Par contre, certains du lot ne me laissent vraiment pas indifférent, comme celui nommé Walk, Don't Run Vol. 2. Ce microsillon, le dernier de trois que le groupe commercialisa en 1964, était leur seizième en carrière et la suite de leur premier album réalisé en 1960. Ce puissant disque s’amorce sur une reprise époustouflante de The House of the Rising Sun qui aurait pu faire rougir de jalousie le groupe The Animals ; il venait d’ailleurs, quelques mois à peine auparavant, de placer en première place des palmarès de l’Amérique du Nord et de l’Angleterre, leur propre version de cette chanson folklorique.
Les 12 pièces gravées sur cet album sont, pour la moitié, présentées comme des compositions du groupe, et ce, même si à l’occasion on reconnait des riffs très empruntés : Night Train est pratiquement un copié/collé de celui de Lucille de Little Richard. Ces compositions, qui ne reflètent pas toujours une originalité exemplaire, eurent néanmoins le mérite d’avoir été baptisées par des noms passablement désopilants, tel que : Peach Fuzz, Pedal Pusher et The Creeper.
À cette même époque, le groupe opéra un changement sonore marquant par l’arrivée de nouveaux modèles d’instruments. Les guitares Fender Jazzmaster, Fender Stratocaster, Gibson ES-335 et ainsi que la basse Fender Precision furent toutes remplacées par une série d’instruments conçus spécialement pour le groupe par la compagnie californienne Mosrite Guitars. Cette série, portant tout simplement le nom de The Ventures Models, vit le jour en 1963. Ces guitares, ainsi que la basse, furent toutes équipées de massifs pickups à simple bobinage rappelant le modèle légendaire P-90 de Gibson. Quelque part entre 1963 et 1964, les amplificateurs de fabrications japonaises de marque Guyatone qu’utilisaient les deux guitaristes furent remplacés par des modèles Fender, qui semblent être des Blonde Showman de 1963 de type piggy back avec un speaker 15", d’une puissance de 100 watts. Pour sa part, Bob Bogel, guitariste pour le groupe dans un premier temps et devenu par la suite le bassiste, utilisait probablement à ce moment un ampli Fender de modèle Blonde Bassman de 1963 de type piggy back avec deux speakers 10", d’une puissance de 50 watts. Le batteur Mel Taylor jouait sur les batteries de marque Gretsch.
Il s’avère très difficile de trouver des informations claires au sujet de la façon dont les réalisations de ces albums se sont déroulées et ce, même en épluchant de sérieuses biographies sur le groupe. Pire encore, imaginez le peu d’informations disponibles sur les pochettes de ces disques, où les dos ressemblent davantage à des pages publicitaires pour les guitares Mosrite et/ou pour les innombrables albums en vente du groupe. C’est ainsi que je me questionnais sérieusement à savoir qui était donc l’organiste de cet enregistrement, dont l’apport est substantiel dans le résultat final. De mes recherches, un nom impressionnant fit surface : il pourrait s’agir de l’organiste Leon Russel. Le jeune musicien, à ce moment âgé de 23 ans, est un des rares noms cités comme organiste de ces années de création. L’orgue utilisé pour l’enregistrement ne semble pas être le modèle Hammond B-3, tel qu’on pourrait a priori le sous-entendre. Suite à quelques écoutes analytiques et comparatives, je conclus qu’il s’agit probablement du fameux Vox Continental.
Fait particulier, un instrument que l’on retrouve sur les pièces Diamond Head, Rap City et Walk Don't Run 64 s’avérait à l’origine totalement non identifiable à mon oreille. Au premier abord, j’avais supposé qu’il pourrait s’agir de soi un ondes Martenot ou d’un Theremin, dont on aurait filtré leurs sons en utilisant divers effets sonores. Me rendant à l’évidence que ma théorie présumée chambranlait, je me résolus à faire une enquête plus approfondie. Je découvris ainsi qu’on utilisa pour la pièce Walkin'With Pluto, en cette même année de 1964, un saxophone alto dont la ligne sonore du microphone, duquel on se servait pour cet instrument, passait par un ampli rotatif Leslie Speaker. Après plusieurs écoutes, l’analogie sonore de cette procédure instrumentale est pratiquement indéniable sur lesdites pièces mentionnées. Cette façon ingénieuse de convertir le son de cet instrument donna un résultat des plus uniques et encore fascinant aujourd’hui.
Voilà donc un des albums d’intérêt pour se mettre le pied dans cette vaste mer musicale instrumentale de ce groupe californien et ce, si seulement vous n’avez pas déjà subi la submersion de leurs flots sonores. The Ventures est une icône du genre, qui a su faire et refaire de la musique jusqu’au bout du rouleau de la vague sur laquelle il eut le flair de surfer.
© 2016
The Ventures — The Creeper — https://www.youtube.com/watch?v=N1W9cWdqKDs
The Ventures — Walkin'With Pluto — https://www.youtube.com/watch?v=Drv3Pv2Aez0
The Ventures / Facebook — https://www.facebook.com/The-Ventures-143153765738241/
The Ventures / Site web — http://theventures.com/
Photo : Ace Records