Le 33 de la semaine : 32/52 de 2019
Laura Nyro
Album : Eli and The Thirteenth Confession
Label : Columbia Records
Code : CS 9626
Durée : 46:15
Année : 1968
Chronique de Louis Bonneville
Chronique de Louis Bonneville
En février 1967, la jeune Laura Nyro, 21 ans, lance son premier album. Son talent fulgurant d’auteure-compositrice-interprète lui vaut un immense succès d’estime, surtout au sein de la communauté musicale américaine. En juin, le Monterey International Pop Music Festival marque la contre-culture californienne, et Nyro s’y taille une place enviable lors de la deuxième journée de programmation. C’est entre les spectacles de The Byrds et de Jefferson Airplane qu’elle y présente une époustouflante interprétation de quatre chansons. Néanmoins, à sa sortie de scène, elle est dévastée, elle croit avoir déçu, imagine même avoir été huée – elle éclate en sanglots. Traumatisée, elle ne remontera pas sur scène avant deux ans. Ce moment clé de sa carrière l’a vraisemblablement accablée, comme si la pression de la réussite lui avait infligé une sorte de vertige. L’angoisse est destructrice. Ainsi, cette fausse impression de ratage se transformera dans l’opinion publique comme s’il s’agissait d’un fait réel. Les médias insisteront sur cet aspect de sa fulgurante carrière pendant des décennies…
Sans le savoir, le cinéaste D. A. Pennebaker détient des pistes de vérité à ce sujet. En 1997, il travaille à une édition anniversaire de son film sur ce festival. Il rassemble les chutes de pellicule (inédites et seules existantes) de la moitié de la prestation de Nyro. Il en est stupéfié, et avec raison : l’interprétation ensorcelante de « Poverty Train » est d’une intensité saisissante. Seule Nina Simone aurait pu en livrer une semblable. Le public est attentif, communiant à l’art de Nyro. À la fin de la chanson, il scande un - « Beautiful » ! Pennebaker entre alors en contact avec Laura et lui donne rendez-vous pour qu’elle puisse constater le côté grandiose de sa prestation, et surtout, pour qu’elle démystifie cette légendaire idée d’échec. Malheureusement, cette rencontre n’aura jamais lieu, puisque Nyro mourra la même année…
De ce bref concert controversé, trois des quatre chansons étaient toujours introuvables sur disque. Celles-ci feront partie de son deuxième album, enregistré cinq mois plus tard, en novembre, et commercialisé en février 1968. Eli and the Thirteenth Confession est acclamé, on le qualifie de chef d’œuvre, et ce, malgré son faible rayonnement populaire. Des années plus tard, l’excellent musicien et réalisateur Todd Rundgren décrira sa fascination pour l’album au moment de sa première écoute : « J’étais complètement époustouflé, en fait, tout le monde était époustouflé. » Ce propos montre bien le respect qu’on voue à cette œuvre, qui a d’ailleurs envahi les esprits de nombreux artistes, allant de Joni Mitchell à Alice Cooper.
© 2019
Un lien vers Spotify pour l’écoute de l’album :